La valorisation des déchets, sous toutes ses formes, représente une alternative à l’utilisation des énergies fossiles dans la production industrielle. Le développement de ce secteur peut générer des milliers d’emploi si les efforts de toutes les parties prenantes sont centralisés.
Dans un contexte où la durabilité environnementale devient une préoccupation majeure à l’échelle mondiale, l’industrie marocaine se tourne de plus en plus vers la valorisation des déchets comme une solution innovante et efficace. Cette démarche s’inscrit dans une volonté de réduire son empreinte environnementale tout en générant de nouveaux flux de revenus. Le Royaume dispose de 13 filières de valorisation des déchets qui totalisent 26 millions de tonnes annuellement. Parmi ces filières, les matières issues des foyers constituent une ressource substantielle, avec 7 millions de tonnes annuellement.
Le papier et le carton ne sont pas en reste, avec une collecte annuelle qui avoisine les 600.000 tonnes. De ce fait, la collecte, le tri et le recyclage de ces déchets offrent une opportunité importante aux industries. «En substituant ces déchets à plusieurs types de matières premières importées, le pays renforce sa souveraineté industrielle et réduit les dépenses en devises étrangères. En recyclant les déchets, les industries réduisent les émissions de gaz à effet de serre associées à leur élimination par voie d’enfouissement, tout en préservant les ressources naturelles. De plus, en valorisant les déchets comme sources d’énergie ou de matières premières alternatives, les entreprises diminuent leur dépendance aux combustibles fossiles et aux matières premières vierges, contribuant ainsi à atténuer leur impact environnemental global», affirme Mounir Elbari, président de Coalition pour la valorisation des déchets (Covad).
De plus en plus d’entreprises marocaines adoptent ces pratiques de valorisation des déchets pour réduire leur empreinte carbone. En recyclant, réutilisant ou transformant ces déchets en matières premières ou en sources d’énergie, elles parviennent non seulement à réduire leur impact environnemental, mais aussi à réaliser des économies significatives sur leurs coûts de production. Parmi les exemples les plus remarquables, on peut citer les industries de cimenterie. Elles récupèrent les déchets industriels et ménagers, les réutilisent comme combustibles en lieu et place du pétrole ou du charbon pour alimenter les machines de broyage dans le processus de production du ciment. Par cette méthode, elles parviennent à réduire leurs déchets tout en créant de nouvelles sources de revenus, notamment dans le domaine de la production d’énergie verte.
«Depuis 2015, nous avons créé une filiale du Groupe dédiée au recyclage des déchets permettant, dans un premier temps, de produire de l’énergie à partir de déchets industriels, puis en 2017 à partir de déchets ménagers. Notre filiale propose aux industries des solutions innovantes de traitement et de gestion globale de leurs déchets, limitant ainsi les émissions de CO2 et autres nuisances significatives pour l’environnement», dixit le responsable d’une société de ciment de la place. D’après une étude mandatée par le ministère de l’Industrie au sujet de l’écosystème vert, le secteur de la valorisation des déchets pourrait conduire à la création de 60.000 emplois d’ici 2030. Car l’objectif est de transformer 65% des déchets en ressources, et les retombées financières de cet écosystème pourraient générer un chiffre d’affaires de 12,2 milliards de dirhams et une valeur ajoutée de 3,7 milliards de dirhams. Cependant, sur le chemin de l’atteinte de ces objectifs ci-dessus énumérés, le secteur de la valorisation des déchets rencontre encore plusieurs obstacles.
«Le principal défi réside dans l’accès aux gisements de déchets, notamment en raison de l’absence de tri à la source, ce qui entraîne une forte contamination et humidification des matériaux. De plus, le peu de matière récupérable se retrouve dans les circuits de collecte informelle et alimente une réelle économie parallèle. De plus, la gestion inefficace des déchets dans les villes, notamment le stockage inadéquat des déchets dans les camions-bennes, provoque une dégradation de la qualité des déchets collectés, ce qui pose un défi supplémentaire à l’industrie de la valorisation des déchets», explique le président de la Covad.
Selon ce dernier, pour permettre un réel essor du secteur de la valorisation des déchets et atteindre un taux de valorisation global de 60% contre 15% actuellement, l’instauration du tri à la source et l’amélioration des conditions de collecte en amont sur tout le territoire doivent être une priorité. Cela implique de réviser le modèle économique de la collecte des déchets, renforcer la gouvernance et le contrôle et financer l’innovation et la montée en capacité opérationnelle du secteur de la collecte et du tri. De plus, envisager la création d’une agence dédiée à la gestion des déchets pourrait centraliser les efforts et assurer un accès au financement adéquat. Enfin, la mise en œuvre effective des principes de «pollueur-payeur» et de «responsabilité élargie des producteurs», qui est d’ailleurs à l’ordre du jour du projet d’amendement de la loi 28.00, est également primordiale.